L'autre bout à rebours
Le bout de mes doigts ronds cachent ma vue aplatie par nombre d'expériences échouées.
Le bout de ma langue, venimeuse, interdit mes mots qui renferment mon visage carré. Quatre bouts vides, quatre angles gauches, quatre-vingt-dix degrés sur quatre égalent zéro.
Jadis, je me plaignais de la laideur du monde. Un monde à moi, que je me suis bâti avec ces mêmes doigts arrondis par le lent écroulement du temps.
Dorénavant cette même hideur s'accomodera en moi, me saccadera, secouera ces structures. Et j'aurai beau fermer les yeux devant le mirroir puisque tôt ou tard "tu deviens ce qui t'effraie".
Les ratures marquent la surface de la vie, elle aussi ayant le droit de se tromper. Cette même vie qui parfois nous trompe ou nous a déjà trompés. À nous, nos yeux, mon œil. Trompe-l'œil.Les traits et les traces y resteront malgré tout.
Quoique je fasse, je demeure là, loin. Longueur d'avance à ne jamais attraper, à ne jamais saisir. Une barrière à ne pas franchir, une borne, limite. Borne limite.
Quoique je prie, personne ne répond. Le monde est désert et Dieu s'en est allé. Il est sage.
Depuis, le monde est sourd. Toi aussi, tu as a hérité du silence, ce néant qui s'étend, ombre grise qui s'eparpille, lourdeur noire qui s'émiette et frappe.
Écoute-le : il étourdit plus qu'un cri.
Quoique je fusse, je serai toujours n'importe quoi. Et je m’en réjouis.
Et je reviens au bouts de mes doigts ronds.
Et j’apercois mon haleine.
Mon souffle.
Le bout de mon souffle.
Mon souffle à bout.
Le bout de mes forces qui disparaissent au coucher de l'éternité qui m’a été interdite.
Mes bouts sont à rebours.
À l’envers.
L'envers de moi.
Mon envers. Mes vers.
Ces vers envers moi-même.
Cícero Oliveira